« La sincérité, c'est le projecteur sous lequel on prend des poses. La franchise, c'est l'éclair de flash qui fixe la vérité d'un instant sans prétention d'en faire un tableau. »
Robert Escarpit
Dire ou ne pas dire, la question divise.
Alors que les uns ne jurent que par une forme de diplomatie et de délicatesse qui consiste à se taire quoi qu’il arrive, d’autres ne jurent que par la franchise coûte que coûte, convaincu qu'il ne faut rien garder pour soi et parfois accompagné d’un « moi-je-suis-comme-ça, point ! » ou parce qu'on est convaincu que ne rien dire, ce n'est pas rendre service à autrui.
Pas facile de trouver un juste milieu…
Les motifs de choisir une option plutôt qu'une autre est souvent une question de perception, d'éducation, de conditionnement, de convictions.
« Dire ou ne pas dire », telle est la question…
Les questions que l’on peut commencer à se poser peuvent ressembler à celles-ci :
« Est-ce que je veux tout savoir de l’autre ? »,
« Suis-je prêt à entendre tout ce que l’autre pense de moi ? »,
« Comment je réagis si j’estime que l’autre se trompe à mon sujet ? »
Tentez l’expérience et répondez sincèrement à ces trois questions.
Que se passe-t-il lorsque vous entendez une personne franche vous dire ce qu’elle pense de vous ?
Peut-être pensez-vous « c’est injuste » ou, offensé quelque chose du genre : « mais ce n’est pas vrai du tout, cette personne me juge », « qui est-elle pour me sortir cela ? » ou « tu vois, je le savais bien que cette personne à une dent contre moi » etc, etc... Souvent, la défense est le refuge et parfois le terreau de l'incompréhension et de l'aigreur, de la déception.
Avant de continuer, il est important de prendre conscience et d’intégrer que la perception qu’ont les autres de "moi" est la réflexion et l’expression de son modèle du monde. Celui-ci est basé sur ses expériences et ses ressentis. C’est sa carte du monde, pas la vôtre. Dès lors, il est possible que vous ayez raison lorsque vous pensez qu’ils ont tous tort ! Parce que vous faites référence à ce que vous connaissez : votre propre « carte de votre monde ». Et votre carte, au mieux, on peut l'interpréter, dans la mesure où l'on a les bonnes « légendes ». La carte, ce n’est pas le « territoire » de l’autre.
En revanche, lorsque nous comprenons cela et l'intégrons, cela ne suffit pas pour surmonter les paroles dites « franches » des autres. Il se peut aussi qu'ils aient, quelque part... raison. Envisagez qu'ils ont pu percevoir quelque chose qui vous a échappé, que vous ne remarquez pas.
Je le dis régulièrement, notre attitude face à ce qui nous arrive fait toute la différence dans le comment nous allons vivre l'expérience qui nous touche ! Est-ce que se sont les événements qui maîtrisent ma vie ou ai-je moi-même une maîtrise sur ce qui m’arrive ou, du moins, de l’interprétation que je donne à ce qui m’arrive ?
Votre attitude personnelle face à la franchise des autres fera toute la différence ! Qu'en faites-vous ?
Quelle est la différence entre une personne qui se met systématiquement en position de défense et une autre qui semble pouvoir faire ricocher ces mêmes paroles avec une indifférence déconcertante ?
Pour commencer, l’un sentira la colère monter parce que la critique fait appel à ses blessures ou ses représentations. Elle le transportera vers un état négatif qui risque de lui pourrir le reste de la journée, et peut-être plus encore ! Au fond, c'est vrai : nous ne connaissons pas les cicatrices émotionnelles des autres ou comment ils les vivent.
L’autre décide de ne pas se laisser influencer par les événements indépendants de sa volonté. Il maitrise ses « états internes ». Il se fait une raison. Il sait mieux que l’autre, il relativise, prend du recul, donne un sens à ce qui lui arrive et se dit « c’est sa vision de la chose, je ne le vis pas comme cela ». Il décide aussi de ne pas se laisser emporter par l'émotion dans un processus de défense et d’agression.
Tiens, qu’est ce qui fait que l’on se sent agressé et « obligé » de riposter pour mettre les choses à leur place ?
Votre histoire de vie, votre cadre de référence donnent des éléments de réponse.
C'est ce cadre de référence qui influence nos perceptions et comment nous vivons les événements de la vie. Souvenez-vous, par exemple, que ce qui peut faire rire les uns peut offenser d'autres. Vous voyez où je veux en venir ?
Si vous êtes profondément convaincu que le monde entier vous en veut, que vos collègues de travail se sont légués contre vous, que votre conjoint, vos amis, votre famille ne veulent qu’une chose c’est vous rabaisser, alors, inévitablement, c’est ce que vous ressentirez à tous les coups. Vous vivez ce que vous ressentez ! Ce qui se passe dans votre esprit aura aussi des influences inévitables sur votre physiologie : tout votre corps vit ce que vous imaginez et ça se voit !
En revanche, si vous vous convainquez que tout ce qui vous est dit n’est que l’expression du ressenti d’une personne, qu’il est même probable qu’elle ne vous veut aucun mal et qu’elle est ou maladroite ou à coté de la plaque, votre attitude changera instantanément !
Soyez certains que votre perception du monde ne dépend que de votre attitude et de vos pensées !
Partez du principe que les gens qui vous disent tout ce qu’ils pensent (aussi maladroits qu’ils puissent être), le font le plus souvent dans un esprit de sincérité, ne cherchant pas à vous agresser, mais à vous « aider ».
C’est vrai, si on prend le temps de parler ouvertement avec ces gens, on se rend vite compte qu'ils n’ont jamais l’intention de blesser ou de faire du mal à autrui, ils voulaient « juste être sincères » pensant vous rendre service, vous aider. Je suis profondément convaincu que les gens sont avant tout maladroits (bien entendu, des gens profondément méchants existent, animés par divers motifs qui leur appartiennent, mais ils ne forment pas la majorité de votre entourage).
Voulez-vous y croire ?
Pensez à vos propres comportements : êtes-vous vous même doté de méchanceté, de haine, d'exaspération quand vous exprimez une critique ? (même si ça peut vous arriver, mais ce n'est une généralité). C'est pareil pour beaucoup d'autres personnes autour de vous.
Est-ce que votre perception est le reflet de ce que l'autre vit ? Voulez-vous y croire ?
C’est vous qui décidez.
A partir du moment où vous vous sentez jugé par l’autre, vous êtes vous aussi dans cette même position de jugement. Vous pensez savoir qu'on vous veut du mal. Comment le savez-vous ? Qu’est ce qui vous prouve que ce que vous ressentez est vraiment ce que l’autre ressent ? C’est à votre tour votre interprétation de ce vous entendez ! (on pourrait aussi développer : qu'avez-vous vraiment entendu ? Il est étonnant de constater que, dans bien des cas, les gens répètent ce qu'ils ont ressenti et non pas ce qui a été dit... ça vous parle ?)
Vous recevrez en fonction de ce que vous envoyez, (pensez à un récepteur/émetteur) !
Si le message est la défensive, vous recevrez à coup sûr une attaque en retour.
Si le message est l’ouverture, vous avez plus de chance de recevoir une réponse édifiante et de la gentillesse en retour.
Ne partez pas systématiquement du principe que « l’autre » vous veut du mal. La démarche psycho émotionnelle est différente. Apprenez à votre cerveau à penser différemment, il vous aidera alors à percevoir et à vivre votre environnement autrement !
Ne pointez pas l’autre du doigt, vous ne pouvez pas le changer, lui ! Mais vous, vous pouvez changer votre perception, l’interprétation que vous donnez à ce qui vous arrive ! Et vous verrez que vous serez plus forts, moins vulnérables, plus sûrs de vous, plus confiants et vous vous sentirez moins agressé par le monde extérieur, et ça se verra !
La seule chose sur laquelle vous avez du pouvoir : c’est vous-même.
Ne jugez pas la critique de l’autre, vous entrez dans le même jeu que celui qui vous critique peut-être à tort. N’oubliez pas que c’est sa perception et que, peut-être, très peut-être, ce qu’il ressent contient une certaine vérité qui vous fera avancer. Il y a probablement quelque chose à tirer de ce que les autres perçoivent de moi. Vous pouvez décider d’en faire une force !
Connaissez-vous vraiment des gens foncièrement méchants qui ne cherchent qu’à faire du mal ?
Peut-être répondrez-vous « oui ». Et c'est possible, c'est vrai qu'il en existe. Néanmoins, ils ne sont pas majoritaires. Les gens foncièrement méchants, ils sont vraiment rares, et on les plains… Ils sont souvent eux-mêmes dans la souffrance qui dicte leurs actes. Parfois inconsciemment (tenez-en compte, ils ne s'en rendent pas toujours compte), ils cherchent à rendre les autres aussi malheureux qu'eux-mêmes.
Oubliez donc que le « monde entier » est contre vous : cette perception du monde est fausse ! Souvenez-vous que, fort probablement, la grande majorité de votre entourage vous admire, vous aime, vous respecte et vous soutient. Ça aussi c'est une vérité !
Et quand bien même vous connaissez des gens foncièrement méchants, qu’est ce qui vous empêche alors de les fuir ? Ou alors de vous dire : « ils ne cherchent qu’à blesser, ce qu’ils ont à dire ne sera donc pas le reflet de la réalité ! ».
Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que la plupart des gens ne sont pas foncièrement méchants, mais plutôt maladroits. C’est une approche qui a toujours aidé tous ceux qui ont fait cet effort de changement d’attitude face à ces situations : les gens sont maladroits.
Maintenant, est-ce que je dois vraiment tout dire à l’autre ?
La question reste bien difficile à répondre et toutes les réponses possibles seront probablement vraies, dans son contexte qui lui est propre.
Souvenons-nous de cela :
Certains secrets font souffrir des enfants, des familles, des générations entières.
Certains secrets engendrent de mauvais sentiments, de l'aigreur, de la haine, du mépris, de l’incompréhension.
Certains secrets protègent « l’autre » d’une émotion profondément destructive.
Dans ce dernier cas, c’est une question de jugement, c'est votre perception, votre carte du monde. Peut-être vous trompez-vous. Comment le savez vous vraiment ?
Quel que soit votre secret, vous ne pouvez pas réellement savoir s’il doit le rester ou pas. C’est votre appréciation, c’est probablement ce que vous voudriez vous, vous vous identifiez à ce secret : vous le gardez pour vous parce que vous ne voudriez pas l’entendre. Bien que votre décision soit sincèrement basée sur l’amour, la loyauté et la protection de l’autre, vous risquez de vous tromper… « L’autre » voudrait peut-être le savoir et cela lui permettra d’avancer, voire de trouver une guérison d'un mal que vous ne connaissez peut-être pas… Il est peut-être prêt à l'entendre, il en a peut-être besoin. D'où l'intérêt d'en parler, de partager vos sentiments, en parler à quelqu'un qui peut prendre du recul et vous donner son appréciations sur l'affaire.
J’ai la profonde conviction que nous pouvons tout dire.
L’art est dans le « comment » et pas dans le « pourquoi » mais aussi dans le « quand ». Eh oui, il y a des moments qui ne sont pas propices.
Lorsque vous vous mettez dans un questionnement « comment », vous privilégiez le dialogue du cœur. Si c'est le « pourquoi », vous privilégiez le « rationnel », la tête, plutôt que le cœur. Le résultat ne sera pas le même...
Une autre question à vous poser est : « dois-je le dire pour me faire du bien, pour me défouler ou parce que l’autre pourrait avancer ? » ou parce qu’ « il a droit à la vérité ».
Assurez-vous de la sincérité de votre acte et ce qui le motive réellement.
Certaines personnes, très maladroites vous diront ce qu’elles pensent avec un rire, tentant de vous faire croire qu’il s’agit d’une boutade, que ce n’est pas si grave, mais elle l’a quand même dit et le message, lui, sera bel et bien perçu, avec... hypocrisie. Prenez cette responsabilité, si vous décidez de dire ce que vous pensez, dites-le en adulte responsable, non pas comme un enfant qui ne sait pas trop comment réagir lorsqu’il voit que la situation s’envenime et s'empresse à donner un autre sens à ce qui a été dit : « oui, mais c’était une blague ! »… Même pas vrai, ce n’était pas une blague ! Le mal est fait et derrière un sourire se cache parfois une vérité qu’on ne sait pas trop comment dire. C’est très maladroit et c'est destructeur !
Nous l'avons vu un peu plus haut, les meilleures conversations de sincérité sont celles qui viennent du cœur, avec le cœur et non pas celle qui viennent de l’intellect ou d'émotions négatives. Le cœur et l’intellect on du mal a bien fonctionner ensemble. Vous ne cherchez pas à jugez l’autre ou à le condamner, mais sincèrement et avec tact pour lui apporter un œil extérieur, tout en tenant compte que vous pouvez vous tromper et en restant surtout ouvert à ce que l’autre a à vous dire en retour. L'empathie et le respect sont des valeurs qui animeront vos remarques. C’est alors que le dialogue à plus de chance de réussir. « Plus de chance » ne veut pas dire « toujours ». En revanche, votre attitude fera toute la différence, ne comptez pas sur celle de l’autre !
Votre propre attitude fera toute la différence entre « agresser », « maladresse », « me sentir agressé », « attaquer en retour » ou « voilà une information externe, comment puis-je l’utiliser pour m’améliorer », « comment puis-je en tirer de nouvelles forces et ressources ? ». Voici quelques questionnements constructifs !
N’attendez pas de l’autre qu’il change. Le seul élément que vous pouvez changer dans « votre monde », c’est vous.
Vous pouvez apprendre à voir le monde différemment et vous libérer de toutes les influences externes qui semblent vous agresser inlassablement et des représentations que vous vous en faites !
Cela peut vous paraître étrange, mais vous êtes la seule personne qui décidez comment vous allez vous sentir et réagir ! Décidez d'arrêter de mettre la faute sur les autres ou de vous sentir agressé. Envisagez cette éventualité si vous doutez.
Même si l’expression de vos émotions et sentiments sont inconscients, ils le sont devenus à force de répétitions. Vous avez appris un jour à les exprimer de la sorte et à force de répéter les mêmes schémas, ils sont intégrés dans votre personnalité et vous avez la fausse idée que vous êtes comme ça un point c’est tout ! Cette réitération de comportement a créé un chemin neural dans votre cerveau. Vous pouvez apprendre à le contourner en créant de nouveaux sentiers neuraux positifs. Il est possible d'entraîner le cerveau vers de nouveaux comportements. C'est prouvé !
Votre perception est votre vérité. Changer cette perception changera votre vérité.
Eh bien, si un jour cet état d'esprit entre dans vos habitudes, vous pouvez en créer de nouvelles par de nouveaux schémas de pensées et par une répétition de sentiments positifs qui à leur tour deviendront de nouvelles habitudes, de nouveaux comportements. et vous vous sentirez mieux.
C’est à vous que réside le choix de tout dire ou non et comment ou quand vous allez le dire. N’oubliez pas que tout est dans l’attitude et l’état d’esprit dans lequel vous vous trouvez lorsque vous décider de dire les choses et que ce sont ces derniers qui feront toute la différence !
Vous pouvez, vous aussi, y arriver !
Votre partenaire dans l’optimisme.
Michel POULAERT, CSP.
P.S. Dans la lignée de cet article, je vous propose de lire ces deux autres articles liés :
"Les 3 passoires de Socrate" ici
Et "Les insultes sont comme des cadeaux" ici