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Psychologie positive Michel PoulaertVivre nos émotions et reconnaître la honte

 

Le bonheur est dans le mouvement ! C’est là qu’est le second souci. Nous avons peur du mouvement, surtout du mouvement naturel de la vie : la respiration. Nous avons appris, enfants, à inhiber nos impulsions, à réprimer nos émotions ; nous nous sommes durcis, nous avons fait taire nos sensations, bloqué notre respiration. Figés dans notre corps, nous avons endossé un masque social. Nous n’avons qu’une terreur, c’est que ce masque se fissure et ne nous découvre, c’est que les autres voient la réalité de ce que nous sommes, qu’ils voient ce que nous croyons être au fond. Nous avons peur du regard de l’autre, peur de ne pas être à la hauteur, peur du jugement, peur de ne pas être intéressant, peur d’être un monstre ou peur d’être rejeté… Ces peurs si familières ne sont en réalité pas vraiment des peurs : leur vrai nom est la honte.

Nous sommes des animaux sociaux et la honte est une émotion sociale. Lorsque nous étions enfants et que nos parents n’étaient pas à l’écoute de nos émotions, nous avons eu honte de nos émotions. Quand ils n’ont pas satisfait nos besoins, nous avons eu honte de nos besoins.

Quand les premiers moines tibétains sont venus en Europe, ils ont ensuite rapporté au dalaï-lama ce constat étonné : les Occidentaux ne s’aiment pas. Et, c’est vrai, nous ne nous aimons pas. Nous ne nous sentons pas en sécurité à l’intérieur de nous ? Qu’est ce qui fait la différence entre un Tibétain et un Occidental et empêche ce dernier de s’aimer ? Je vois deux facteurs à l’origine de ce manque e sécurité intérieure. La séparation très précoce entre la maman et son bébé et l’éducation du bien et du mal. On nous a habitués à considérer le bien comme bon et le mal comme mauvais et nous ne remettons pas en cause cette dichotomie. Les bouddhistes, quant à eux, n’opposent pas le bien et le mal. Ils raisonnent en termes de cause et d’effet et introduisent la notion de relativité.

L’éducation occidentale est fondée sur la honte et la culpabilité. Quand un enfant fait une erreur, au lieu de nous réjouir de cette occasion d’apprentissage, nous le sanctionnons comme s’il avait commis une faute. Les réactions parentales sont plus souvent punitives qu’éducatives et cela a pour conséquence que l’enfant est pétrifié dans l’incompréhension. Lors de mes conférences, il m’arrive de proposer une expérience à mon auditoire. Je fais monter un/e volontaire sur scène et je demande d’aller prendre un verre d’eau posé sur la table. Comme il/elle avance son bras, je lui dis fortement : « STOP ! ».

Puis de nouveau, je lui propose d’aller prendre le verre et cette fois je m’exclame : »NON ! ».

Observez la différence de ses réactions face à chacun de ces deux mots : quand la personne entend « STOP ! », elle s’arrête, interrogative, elle interrompt son mouvement. Quand elle entend « NON ! », elle s’arrête aussi, mais elle éprouve des tensions, elle se sent en faute, comme si elle avait fait quelque chose de mal.

En réalité, la plupart des parents traversent leur période du « non » bien avant que les enfants ne l’abordent. Dès que le petit crapahute dans le salon, les interdits pleuvent et l’enfant ne peut pas comprendre.

Prenons un exemple : une maman dit à sa fillette de 18 mois : « Ne touche pas à ce placard ! » Evidemment, la petite fille avance aussitôt sa main vers le placard en question en regardant sa maman bien dans les yeux, c’est un comportement naturel à cet âge. La mère se met alors en colère : « Tu te moques de moi ! Je viens de te demander de ne pas y toucher ! »


Elle est convaincue que sa fille cherche à la provoquer. En fait, il se trouve qu’avant l’âge de deux ans, l’enfant n’a pas encore la possibilité de construire dans sa tête des images mentales organisées : il ne peut pas s représenter ce qu’est un interdit, autrement dit, il ne peut pas encore mettre en images la consigne, voir dans son esprit l’action à ne pas accomplir. Son intelligence est « sensori-motrice » c’est-à-dire qu’elle ne passe que par ses sensations physiques et ses mouvements. En faisant le geste d’avancer sa main vers le placard, la petite fille cherche à assimiler la consigne verbale. Par conséquent, quand sa mère la gronde, elle ne comprend pas et éprouve un sentiment d’injustice : elle ne faisait qu’essayer de faire ce que maman avait dit ! C’est parce que la réaction de sa mère est très importante à ses yeux qu’elle la regarde attentivement, dans le but de vérifier qu’elle répond bien à sa demande. Dans ce cas de figure, m’attitude plus appropriée aurait été de lui affirmer : « Bravo ma chérie, oui, c’est bien ce placard-là et maintenant, ce placard reste fermé. »

Nous avons malheureusement l’habitude d’émettre la plupart de nos consignes en termes d’interdits alors que le cerveau d’un enfant de 18 mois ne sait pas traiter une négation qui nécessite deux gestes mentaux : visualiser le geste et le bloquer. Un enfant qui cherchait à bien faire et n’est pas compris par ses parents éprouve de la peur et de la honte. Il s’autodéprécie : « Je ne suis pas quelqu’un de bien puisque je fais mal. »

Parce que nous perdons ainsi toute notre sécurité intérieure, accumulant de la peur, du doute, de la honte, du stress… nous nous fabriquons peu à peu une carapace, nous endossons un masque, conforme à ce qui nous semble être l’attente de nos parents, afin de leur plaire et de recevoir de l’amour. Cette carapace est faite de certitudes qui nous aident à avoir moins peur. C’est notre persona (mot grec signifiant masque de théâtre). Nous la conservons une fois adultes et y adhérons d’autant plus que nous avons manqué de sécurité quand nous étions enfants.

Extrait de « Psychologie Positive : Le bonheur dans tous ses états »
Ed. Jouvence Editions 

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