« Les optimistes semblent présenter une caractéristique, celle d’être, en apparence, davantage favorisés par les événements, en d’autres termes celle d’avoir davantage de chance que la moyenne des gens ! L’idée semblera saugrenue aux esprits les plus cartésiens, cependant plusieurs recherches récentes en psychologie conduisent à porter sur ce phénomène un regard renouvelé, à la fois rationnel et pragmatique.
Certes, évoquer le « facteur chance » comme clé de la réussite, du bonheur ou de l’accomplissement de soi ne saurait manquer de bousculer un peu notre confort intellectuel. Le recours à la chance comme facteur d’explication de l’atteinte des objectifs de sa vie n’est d’ailleurs pas dénué d’une certaine ambiguïté. La première raison en est que la « chance » est considéré par certains comme inconstante, fragile, volage. Est-il vraiment raisonnable de compter sur la stabilité et le retour régulier d’éléments fortuits, aussi bénéfiques soient-ils ? La deuxième raison est que la « chance » pose aussi un problème de légitimité. Ainsi, ce qui a été obtenu par chance est-il vraiment mérité ? Les réussites obtenues par le travail, l’effort et la persévérance n’ont-elles pas une valeur supérieure à celles décrochées par opportunité, par hasard, du fait d’un concours de circonstances imprévu, bref… par chance ?
« J’ai de la chance » ou « j’aide la chance » ?
Cette idée selon laquelle la chance à répétition serait liée à la mise en œuvre de conduites particulières a fait l’objet d’études scientifiques passionnantes. L’une des plus originales et éclairantes est celle du Dr Richard Wiseman, professeur de psychologie et directeur du « Laboratoire de la chance » (Luck-Lab) à l’université de Hertfordshire (GB), auteur d’un ouvrage de référence sur le sujet.
Les conclusions de Wiseman, fondées sur de nombreuses observations de terrain, sont que les personnes réellement chanceuses se distinguent des autres par quatre attitudes.
1. Les chanceux identifient en permanence des occasions fortuites et savent en tirer avantage. Pour cela, ils créent et entretiennent de façon détendue des contacts avec beaucoup de d’autres personnes, et ont surtout une attitude globale d’ouverture d’esprit face à la vie. Ils sont en effet convaincus que l’existence est pleine d’expériences nouvelles qui ne demandent qu’à être tentées et surtout qui méritent de l’être.
2. Les chanceux sont en permanence branchés sur leur intuition, sur leur petite « voix intérieure », parfois optimiste parfois pessimiste, et surtout s’entraînent à la développer en toutes circonstances.
3. Les chanceux s’attendent de même à rencontrer des occasions positives qui vont leur permettre de réaliser ce qu’ils désirent. Richard Wiseman confirme ici la puissance des mécanismes d’ « anticipation positive » propre aux optimistes. C’est en effet cet optimisme qui permet aux « grands chanceux » de se projeter à l’avance dans des interactions positives (je vais sûrement rencontrer des gens géniaux), d’imaginer que les occasions vont continuer à se présenter (ma chance va se poursuivre) et surtout que la réussite sera au bout du chemin en dépit des circonstances (je trouverai toujours un moyen de progresser vers mon but, même si je rencontre des obstacles).
4. Enfin, les chanceux semblent avoir, du fait de l’optimisme qui les habite, une capacité supérieure à rebondir face à la malchance (dont ils voient d’ailleurs toujours le bon côté). Même en cas d’échec, le chanceux continue à chercher des pistes et surtout à prendre des décisions qui lui permettent de déboucher sur des solutions constructives. On retrouve d’ailleurs chez les grands chanceux cette autre caractéristique propre aux grands optimismes : le refus de s’autopolluer et de ruminer en revenant en permanence sur les points de faiblesse, sur ce qui n’a pas été réalisé, sur ce qui a échoué. »
Dans « Eloge de l’optimisme, quand les enthousiastes font bouger le monde »
Philippe Gabilliet
Edition Saint-Simon