Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

« L’optimisme – comme l’écrit si bien Christophe André – n’est rien d’autre qu’une confiance a priori dans l’avenir, assortie de la certitude qu’en cas de difficulté ou de menace, on saura réagir ». À ce titre, l’optimisme n’empêche pas les malheurs de se produire en ce monde. L’optimisme n’est jamais opposable à la fatalité, qu’elle soit individuelle ou collective. L’optimisme ne saurait empêcher les risques et contraintes extérieurs d’être ce qu’ils sont, à savoir hautement risqués, fortement contraignants et le plus souvent hors de notre contrôle. L’optimisme enfin, n’a jamais empêché que se produisent ces accidents collectifs de la vie sociale, la plupart du temps aussi injustes qu’aveugles, qui ont pour noms attentats, séismes, tsunamis, catastrophes naturelles, crises sanitaires et autres épidémies.

Nul d’entre nous, sauf à afficher un parfait cynisme, ne saurait en conscience se réjouir du confinement imposé à l’ensemble de la population par l’extension de la pandémie du Covid-19. Refuser ostensiblement ce confinement, en nier la nécessité, décider avec témérité de passer outre les nouvelles règles qu’il impose, sont autant de comportements que l’on peut légitimement qualifier d’irresponsables et d’inciviques.

Face à cette situation sociale et historique inédite d’assignation à résidence d’un pays tout entier, situation prévue pour durer, les politiques, les autorités sanitaires et les soignants ont pris leurs responsabilités. Mais on peut comprendre que sur le terrain de la vie quotidienne, dans les grandes métropoles, les banlieues, les villes moyennes et les campagnes, nombre de citoyens concernés par ces décisions manquent encore de repères.

Rien de bien étonnant, admettons-le. Personne dans le fond ne sait vraiment ce que signifie « rester confiné chez soi » pendant plusieurs semaines, sans réelle possibilité de sortir en famille ou entre amis pour aller travailler, étudier, voire simplement décompresser. La liberté de décider par soi-même d’aller et venir nous est devenue tellement naturelle, en particulier dans nos démocraties… Tellement naturelle d’ailleurs que nous finissions presque par ne plus la remarquer, cette pourtant si belle liberté. Et la simple idée de devoir renoncer à nous déplacer à notre guise, de ne plus avoir le droit d’aller où bon nous semble quand nous le désirons, de subir l’interdiction de nous rassembler pour passer tout le temps nécessaire avec les personnes de notre choix, apparait sur le long terme comme difficilement supportable.

Certes, cet état de fait n’est que temporaire et la vie reprendra tôt ou tard son cours. Mais en attendant, notre confinement est bel et bien à l’ordre du jour. Et nous ignorons encore combien de temps il durera et de quelle façon nous allons le vivre au quotidien !

Peut-on néanmoins dégager – à l’attention de nos proches et de nous-mêmes – quelques principes simples de réflexion et d’action dans une telle période, tellement inattendue, tellement déstabilisante, tellement incertaine ?

Etre confiné chez soi, seul ou en famille, c’est se retrouver assigné à résider à temps plein sur un même espace géographique de quelques dizaines de m2 , en ne disposant que d’un nombre très restreint de possibilités de déplacements hors de cet espace. Homo Sapiens étant une créature essentiellement sociale, qui se nourrit des interactions avec autrui, le confinement crée pour chacun de nous un contexte psychosocial contre-nature et possiblement anxiogène.

En temps normal, le malade convalescent coincé à domicile peut toujours recevoir des visites ; le télétravailleur peut interrompre sa tâche et sortir dans la rue, ou rejoindre son bureau et ses collègues ; même le détenu équipé d’un bracelet électronique peut se déplacer sous certaines conditions et recevoir des amis ou des parents sur son lieu de résidence.

Dans le cas du confinement, en revanche, on peut assister à la montée rapide d’un sentiment « d’inhibition de l’action », cette sensation d’être bloqué matin et soir et jusqu’à nouvel ordre sur un territoire strictement délimité, soit seul, soit entouré des mêmes personnes. Il existe bien sûr derrière cette expérience du confinement plusieurs réalités sociales, et donc plusieurs niveaux d’expérience vécue. On ne peut comparer le confinement solitaire d’un(e) célibataire dans un studio de 25m2 avec le confinement d’une famille entière dans une maison entourée d’un jardin. De même, il n’y a que peu de points communs entre celui travaillant seul depuis chez lui et le couple devant faire de même en présence des enfants, désormais eux aussi confinés du fait de la fermeture des écoles. Et si les technologies (smartphones, informatique, internet, réseaux sociaux) représentent aujourd’hui une réelle ressource d’action permettant de vivre différemment les contraintes du confinement, leur accès et leur maitrise sont aussi très différenciés en fonction du milieu socio-économique, des générations, des lieux géographiques de résidence, etc.

Afin de vivre au mieux cette période difficile du confinement et d’en limiter l’inconfort, voici quatre idées simples pouvant nourrir la réflexion et les décisions de chacun de nous au fil des semaines qui s’annoncent :

1) Face au confinement, « respecter ses rythmes », coûte que coûte.
En période de confinement, après quelques jours consacrés à la nouvelle organisation de son quotidien et de celui de ses proches, une certaine forme de « routine de retrait » risque de s’installer. Dès lors que l’on travaille et vit chez soi sans jamais sortir :

  • Pourquoi nous raser de frais ou nous maquiller, dès lors qu’on ne croisera dans la journée ni client ni collaborateur ?
  • Pourquoi nous habiller comme un jour de bureau alors que l’on travaille aussi bien en jogging ou en pyjama (surtout si l’on n’a pas d’entretien Skype aujourd’hui) ?
  • Pourquoi ne pas regarder un ou deux épisodes supplémentaires de notre série préférée, quitte à nous coucher et nous réveiller un peu plus tard que d’habitude ?

Lorsque la contrainte des rythmes extérieurs disparait, risque de s’installer, lentement mais sûrement, l’idée frauduleuse d’un vrai-faux week-end sans fin, moment suspendu dans l’espace-temps où le fond de l’activité demeure certes, mais au détriment de la forme. Or, respecter ses rythmes, c’est renvoyer à notre inconscient le message que la vie continue bien comme avant, même sous une forme différente pendant quelques semaines ; c’est aussi témoigner par l’action du respect dû aux autres et à soi-même ; c’est enfin nous apporter la preuve que l’on est toujours « socialement » en vie, face à un virus qui tue.

C’est la raison pour laquelle, surtout par temps de confinement, notre agenda (électronique ou papier) devrait demeurer notre meilleur ami. Il est donc recommandé de se coucher et de se lever à ses heures habituelles de travail, de prendre soin de soi, de son corps et de son hygiène, comme pour une journée normale. Cette discipline est sans doute plus facile à respecter en présence d’enfants ; surtout si on veut leur indiquer par notre exemple que les rythmes de l’école sont désormais transposés à la maison.

Mais cela peut aussi vouloir dire, pendant la durée du confinement, modifier certains rythmes dès lors qu’ils permettent un maintien en énergie. Ainsi, trente minutes (pas plus !) de sieste en début d’après-midi, en même temps que les enfants, peuvent aussi permettre aux parents de recharger leurs propres batteries…

Le respect de la structuration de notre temps constitue le premier rituel à respecter, même si ce n’est pas le seul.

2) Les « petits rituels maîtrisés » du quotidien…
En période de confinement, et peut-être plus encore qu’en temps normal, temps professionnel et temps privé tendent à s’entremêler puis à se confondre. Jusqu’à ce que les journées finissent par ne plus se distinguer, aujourd’hui ressemblant terriblement à hier et annonçant un demain sans grande surprise.

Une routine en chassant une autre, le quotidien du confiné finit par laisser peu de place à l’inattendu et à l’aléa. Et si la routine en vient à prendre le pouvoir sur notre esprit, elle risque de nous pousser à activer divers rituels de défense et de compensation face à l’ennui, les deux principaux étant aussi les plus faciles d’accès quand on vit toute la journée chez soi : le réfrigérateur et les écrans.

Dans les deux cas, il s’agit bien d’un « grignotage » – alimentaire ou médiatique – et donc d’une consommation non maîtrisée ayant vocation à lutter contre l’installation d’une sorte de lassitude face à un quotidien désormais vécu dans la répétition et le manque d’intensité. Dès lors, tant qu’à « grignoter », autant assumer et le faire de façon stratégique, que ce soit face à son réfrigérateur ou ses écrans. Pour cela, une seule solution : faire des choix. Un rituel dont le contrôle nous échappe n’est qu’une mauvaise habitude. Alors, choisissons et contrôlons, autant que faire se peut.

Sachant que nous sommes parfois sujets au grignotage, autant faire disparaitre rapidement chips, biscuits et barres chocolatées et préparer en revanche des réserves de fruits de saison, de fruits secs, petits légumes (radis, carottes, tomates-cerise). Et tant qu’à grignoter, autant le faire lors d’une pause-collation, à heure fixe si possible (par exemple 10h30 et 16h00).

Et s’il nous est impossible, à certains moments, de nous passer de ma dose d’infos en continu ou de quelques minutes de notre série préférée, autant nous fixer d’entrée une limite de temps (par exemple 15/20 mn) et programmer l’alarme de notre smartphone en conséquence.

3) Le confinement, c’est quand même mieux à plusieurs.
L’objectif du confinement (c’est d’ailleurs l’une des raisons avancée par les épidémiologistes) est clairement de limiter le nombre d’interactions physiques entre les personnes. La bonne nouvelle, c’est que la technologie nous permet aujourd’hui de passer outre la barrière physique grâce aux outils de communication à notre disposition.

Ce n’est pas parce qu’on est confiné qu’on n’est plus en contact avec les autres, fut-ce virtuellement. Car on ne répètera jamais assez qu’en période de confinement, le maintien des relations sociales est essentiel, en particulier pour les personnes vivant seules. Il est là aussi recommandé de planifier un minimum ce maintien des interactions avec famille, collègues de travail et amis.

On peut par exemple dresser la liste des personnes (hors de la sphère strictement professionnelle) que l’on appellera au moins une fois par semaine. Etant elles-mêmes confinées, il ne devrait pas être trop difficile de les joindre.

On peut aussi utiliser ce temps enfin disponible pour reprendre contact avec ces amis perdus de vue depuis si longtemps et dont il est peut-être temps de tenter de retrouver la trace sur Facebook ou LinkedIn.

Pourquoi ne pas pratiquer depuis son salon le café du matin partagé ou l’apéritif Skype, Facetime ou Zoom , à l’occasion duquel, à une heure donnée, on se connectera tous, une tasse ou un bon verre à la main (avec modération !) afin d’échanger entre confinés, passer un moment agréable ensemble et parler de nos projets post-virus !

4) Quand le confinement devient une opportunité…
Il y a parfois un je-ne-sais-quoi d’irréaliste à vouloir en toutes circonstances « positiver » la réalité, aussi difficile ou douloureuse soit-elle. Et s’entêter à rechercher de façon obsessionnelle le supposé « bon côté » des choses, le ‘bright side of life’ cher aux Monty Python peut conduire à développer diverses formes de déni porteuses au final de davantage d’indifférence que de lucidité. Face à une épreuve – et une période de plusieurs semaines de confinement peut être considérée comme telle – la question n’est pas de savoir ce qu’elle a de positif, mais comment « l’optimiser », c’est-à-dire décider ce qu’on peut essayer d’en faire.

Le confinement, c’est aussi du temps gagné (de déplacements et transports, d’activités sociales, etc.). Il s’agit bien sûr d’un temps de vie libéré par force, indépendamment de notre volonté, mais libéré quand même. Que faire de toutes ces heures ? Pourquoi ne pas essayer de les mettre à profit – pendant les quelques semaines entre parenthèses qui nous attendent – pour partir explorer de nouveaux territoires du savoir, de la culture, de la vie pratique ?

N’y aurait-t-il pas, sur les étagères de notre bibliothèque, quelques livres que nous avons toujours eu envie de parcourir, mais que notre planning surchargé, même pendant les vacances nous a toujours empêché d’ouvrir ? N’est-ce pas le moment de partir explorer le web et sa caverne d’Ali Baba d’articles, de livres et de tutoriels gratuits propres à nous initier à la cuisine thaï, au bricolage, au dessin, à la guitare, à l’histoire de la peinture, à la sociologie, etc. ?

Et si le confinement était l’élément déclencheur, la fenêtre de tir, le concours de circonstances favorable que nous attendions pour passer à l’action et amorcer enfin le projet dont nous rêvions et qui nourrira l’inéluctable période post-virus ?

On sait déjà pas mal de choses sur le coronavirus : d’où il vient, comment le détecter, le fait qu’on en guérit dans la grande majorité des cas, que la chasse au vaccin est lancée à l’échelle mondiale, etc. Mais il est par-dessus tout deux certitudes admirables qui peuvent à bon droit nourrir notre optimisme de citoyen du Monde face à cette pandémie :

  1. Chaque jour qui passe nous rapproche inéluctablement du pic de la contamination, de son déclin, puis de sa disparition temporaire et de la fin de notre confinement,
  2. et même si nous n’avons pas individuellement de pouvoir sur l’extinction du Covid-19, nous n’en gardons pas moins une réelle influence, via l’acceptation lucide et proactive de ce confinement, prix collectif à payer pour que demain, dans quelques semaines ou quelques mois, le soleil se lève à nouveau sur un monde de convivialité retrouvée, de projets économiques et sociaux régénérés et, peut-être, de relations humaines renforcées, plus solidaires et plus durables.

C’est sur ces deux certitudes optimistes que je nous invite à méditer au matin de chacune de nos journées de confinement, afin de les faire grandir, telle la lumière qui s’accroit chaque jour un peu plus au bout du tunnel.

 

AUTEUR : Philippe Gabilliet, 
professeur-associé à ESCP Business School, porte-parole de la Ligue des Optimistes de France
Auteur de Éloge de l’optimisme ; quand les enthousiastes font bouger le monde, J’ai Lu, 2018.

Source : www.philippegabilliet.com/articles

 

Abonnez-vous à la newsletter de la Ligue des Optimistes de France ICI
Tag(s) : #Articles bien être
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :